Massilia Sound System
Biographie
Ils nous avaient tellement manqué que l’on n’osait plus vraiment y croire. Réentendraiton le staccato têtu des rythmiques électroniques sous ces voix charnues et rocailleuses ? Retrouverait-on les textes tout sourire et poil à gratter de Papet J, Moussu T et Gari Grèu ? Eh bien oui. Ainsi que le plus long hiver n’empêchera jamais le printemps d’arriver, Massilia Sound System a fini par revenir en studio, sept ans après Massilia.
Un neuvième album en 2021 ? On les reconnait bien dans cette manière de faire un petit pont aux comptes ronds et aux dates symboliques : Parla patois, le premier album, est sorti en 1992 et Massilia Sound System s’épargne les chansons d’anniversaire et les bilans décennaux. À la place, «Pour les conos, les pébrons et les cagants, c’est le drame», annoncent-ils dès le premier titre, A cavalòt. Oui, combatifs et souriants, engagés et déconneurs, c’est bien eux. On n’a pas souvent l’occasion de croiser des groupes comme Massilia Sound System, qui savent autant parler à l’intelligence que parler au cœur, convoquer l’imaginaire qui unit et le réel qui soude, faire danser les pieds et inviter les mains à fabriquer.
Car ce groupe de reggae n’est pas d’abord une affaire de musique. Vers la fin des années 80, il s’agit d’implanter à Marseille la géniale invention du sound system jamaïcain : des instrus de reggae, de grosses enceintes et des micros pour tchatcher. Au début, on ne pense pas à enregistrer ce qui se dit – l’envie d’être ensemble, de passer un bon moment, de se regarder au miroir d’une musique qui unit minots et mamies, de jeter à la fois cris d’indignation et encouragements à la résistance. De l’humain toujours, au-dessus, au-dessous, à côté, en même temps que la musique.
Autant qu’ils vivent Marseille, les fondateurs de ce sound system rêvent leur ville comme le cœur, le bastion mais aussi le paradis d’une méridionalité solidaire, dansante et ouverte. Marseille reggae, c’est Marseille rebelle et hédoniste, indolente et turbulente – les galéjades de Marius et César, l’esprit de Trenchtown et Brixton, mais aussi des fraternités plus souterraines, comme avec Claude McKay. Cette figure jamaïcaine de la Harlem Renaissance raconte en 1929, dans son génial roman Banjo, les aventures de musiciens noirs venus de deux ou trois continents qui essaient de créer un groupe entre le Vieux Port et les bassins de la Joliette – là où l’on a entendu les premiers sons de Massilia Sound System, justement. «Toi qui en as assez de te faire arnaquer, embarquer, escroquer, balader / Ne cherche plus, pas de mystère : viens chez Massilia, c’est grand ouvert!», nous rappelle aujourd’hui le titre Casa Massilia – un mode d’emploi pour les novices, un grand rewind pour les fidèles.
Année après année, album après album, tournée après tournée, ils ont donné à cette ville une part de sa légende – les concerts où l’on distribue le pastis, l’alliance du green-gold-red et du bleu ciel de l’OM, les extraits de chansons qu’on lance comme des proverbes au comptoir ou sur le trottoir… On les remercierait presque d’avoir tant tardé. Depuis le dernier album de Massilia Sound System, Papet J faisait vivre son raggamuffin vagabond, Moussu T tournait avec Lei Jovents, Gari Grèu circulait avec Oai Star et Collectif 13… Et cette liberté est la preuve en actes de l’idée fondatrice de la Linha Imaginot, cette confrérie informelle de groupes de la large Occitanie – les Fabulous Trobadors à Toulouse, Nux Vomica à Nice… Vivre et créer en français comme en occitan, s’emparer d’outils musicaux venus de partout pour mieux plonger dans la culture locale, accueillir l’autre pour être plus soi-même…
L’album Sale caractère le confirme : rub a dub classique, accélérations drum and bass, effluves orientales, autotune de la musique urbaine contemporaine, c’est toujours Massilia Sound System, voisin du monde entier et fièrement enraciné… L’actualité est là, brutale et insupportable (Drôles de poissons, chanson à pleurer de pitié et de colère au bord du grand cimetière de la Méditerranée), les artistes s’interrogent sainement sur leur rôle (« Vas-tu prendre la barre / Affronter la tempête (…) Avec dans l’oreillette / Un reggae du siècle dernier», se demande Moussu T) ou se questionnent sur la dilution des solidarités dans leur ville (À la rue, cri d’alarme radical), partout ils galopent, dansent et enivrent leur reggae… À Saint-Germain-des-Prés, ils vous diront que ces Marseillais sont visités par les épiphanies foudroyantes de Raymond Queneau ou de Jacques Prévert («La vie est cruelle / Elle a sûrement ses raisons», distique génial dans Nine). Et, la sono à fond, on apprendra le dernier vers de l’album, en occitan : «Vaquí lo grand ser, nos fau prendre lo vam». En français, cela dit : «Voilà le grand soir, il faut prendre notre élan». Allons-y.
L’album Sale caractère le confirme : rub a dub classique, accélérations drum and bass, effluves orientales, autotune de la musique urbaine contemporaine, c’est toujours Massilia Sound System, voisin du monde entier et fièrement enraciné… L’actualité est là, brutale et insupportable (Drôles de poissons, chanson à pleurer de pitié et de colère au bord du grand cimetière de la Méditerranée), les artistes s’interrogent sainement sur leur rôle (« Vas-tu prendre la barre / Affronter la tempête (…) Avec dans l’oreillette / Un reggae du siècle dernier», se demande Moussu T) ou se questionnent sur la dilution des solidarités dans leur ville (À la rue, cri d’alarme radical), partout ils galopent, dansent et enivrent leur reggae… À Saint-Germain-des-Prés, ils vous diront que ces Marseillais sont visités par les épiphanies foudroyantes de Raymond Queneau ou de Jacques Prévert («La vie est cruelle / Elle a sûrement ses raisons», distique génial dans Nine). Et, la sono à fond, on apprendra le dernier vers de l’album, en occitan : «Vaquí lo grand ser, nos fau prendre lo vam». En français, cela dit : «Voilà le grand soir, il faut prendre notre élan». Allons-y.
- 1992: Parla Patios
- 1993: Chourmo
- 1995: Commando Fada
- 1997: Aïoliwood
- 2001: 3968 CR13
- 2002: Occitanista
- 2007: Òai E Libertat
- 2014: Massilia
- 1989: Rude et Souple
- 1990: vive le Piim
- 1992: Violent
- 1996: On Met Le Oai Partout
- 1999: Marseille London Experience
- 2004: Massilia Fait Tourner
- 2011: Live E Libertat
- 2014: Despuei 1984
- 2015: Massilia N1
- 2019: MixTape par DJ Kayalik